Justifications didactiques et pédagogiques pour l'activité Rugby (Niveau 2)
Le Rugby est un sport collectif de combat (affrontement et évitement). Il nécessite une mise en jeu corporelle importante pour assurer la progression du ballon vers l'en-but adverse, dans la double modalité de luttes et de courses, et pour marquer plus de points que l'équipe adverse. Cette opposition, codifiée par un règlement qui protège les joueurs, possède la particularité de voir le porteur de balle évoluer face à ses adversaires et avec ses partenaires derrière lui.
La pratique de cette activité en Education Physique et Sportive vise alors la construction d'une motricité sécuritaire pour soi et pour les autres, notamment par l'intégration des règles du jeu, et efficace afin que chaque pratiquant puisse contribuer positivement à la production collective, assurer la continuité du jeu et éprouver un réel « plaisir de combattre ».
L'enjeu du niveau 2 au collège réside dans la coordination des actions des joueurs au sein d'une équipe pour faire pencher en sa faveur un rapport de force symbolisé par le franchissement de la ligne d'avantage. Le développement d'une stratégie et d'une tactique collective conduit l'équipe en attaque à organiser la conservation de la balle lorsque la progression s'arrête pour transformer le jeu, offrant la possibilité d'une attaque directe de la ligne d'avantage par le jeu pénétrant (groupé ou en relais) ou d'une attaque différée de la ligne d'avantage par le jeu déployé (courses et/ou passe). L'organisation défensive vise à pouvoir répondre à ces deux alternatives de jeu en recherchant la récupération de la balle.
La possibilité de mise en œuvre de cette « coordination d'équipe » implique des transformations essentielles sur divers plans :
- au niveau moteur : l'enrichissement de la motricité rugbystique doit permettre d'assumer différents rôles, et donc de créer les conditions de la transformation du jeu (maîtrise des regroupements) et l'efficacité de la forme de jeu employée (technique individuelle).
- au niveau cognitif : les choix de jeu deviennent pertinents à partir du moment où les élèves sont capables d'une perception élargie portant simultanément sur les partenaires, les adversaires et les espaces libres (l'aménagement matériel et réglementaire fournissant un contexte facilitant).
- au niveau social : l'amélioration du projet de jeu passe par la création d'un réseau de communications positives, visant l'acceptation des différences de ressources et une régulation des erreurs commises.
Les propositions qui vont suivre veulent établir une continuité dans les apprentissages inhérents au niveau 1 et au niveau 2 de compétence attendue. Certains éléments sont donc communs à ces deux niveaux (définition des rôles de référence, aménagement matériel et réglementaire, utilisation d'un « score parlant », pondération de la performance collective par la prestation individuelle, régulation du projet de jeu grâce aux outils d'observation...).
L'ensemble des propositions qui vont suivre, d'ordre didactique et pédagogique, font suite au décryptage de la compétence attendue de niveau 2. Elles ambitionnent la mise en œuvre d'une pratique scolaire du Rugby propice à l'acquisition, chez tous les élèves, des connaissances, capacités et attitudes indispensables à l'expression de ce niveau de compétence. En outre, elles éclairent les protocoles de validation de la compétence de niveau 2, de notation et de validation des items du Socle Commun exposés plus loin. Enfin, si ces propositions prétendent à constituer une ressource pour l'enseignement de l'activité Rugby, elles ne se veulent ni exhaustives, ni prescriptives.
Aménagement matériel
L'aménagement du terrain vise à mettre en évidence le noyau dur de la compétence, tant dans sa composante motrice (gestion de l'alternance entre le jeu groupé et le jeu déployé, constitution d'un rideau défensif sur toute la largeur du terrain) que dans sa composante sociale (projet de jeu simple lié au franchissement de la ligne d'avantage). Il matérialise la « conquête du territoire », dans une double dimension : la largeur et la profondeur.
En premier lieu, cet aménagement du terrain met en place un « rugby à couloirs ». D'un en-but à l'autre, trois zones longitudinales sont délimitées : une zone centrale de 10 mètres de largeur et deux zones latérales de 7,5 mètres de largeur. Ces couloirs permettent aux élèves (ainsi qu'aux observateurs) d'appréhender plus aisément les modifications du rapport de force entre l'attaque et la défense. Ils soulignent les surnombres (offensifs et défensifs) et les espaces libres. Le « rugby à couloirs » révèle ainsi la capacité à utiliser la zone du terrain la plus favorable (et la forme de jeu requise) pour franchir la ligne d'avantage et progresser vers l'en-but.
De ce fait, l'aménagement des couloirs tient un rôle dans le calcul du score des équipes. Le nombre de couloirs exploités durant l'offensive permet de multiplier les points acquis grâce à la progression vers l'en-but adverse (accès à la zone des 10 mètres adverses, essai).
En second lieu, l'aménagement du terrain propose plusieurs « zones de marque », afin de mettre en valeur la conquête territoriale dans la profondeur, consécutive au(x) franchissement(s) de la ligne d'avantage. Ces zones offrent la possibilité de scorer à l'équipe qui exerce une domination territoriale marquée par un gain important de terrain.
Il est ainsi possible de marquer 1 point en arrivant aux abords de la cible adverse (« zone des 10 mètres »), et 3 points en marquant un essai. Rappelons que ces points (reflétant la capacité à exercer une pression offensive permettant de franchir la ligne d'avantage) sont multipliés au regard du nombre de couloirs utilisés durant l'offensive (reflétant la capacité à alterner les formes de jeu).
Notons que cette forme scolaire du rugby ne se coupe pas de l'activité sociale de référence, où la progression vers la cible adverse, et notamment l'accès au demi-terrain adverse, donne l'occasion de scorer (tir au but consécutif à une pénalité, drop).
Le « rugby à couloirs » et les « zones de marque » offrent des repères concrets aux élèves qui peuvent alors mettre plus facilement en relation les moyens mis en œuvre (individuellement ou collectivement, au niveau moteur, tactique ou stratégique) et la performance réalisée. En effet, l'aménagement matériel marque à la fois la capacité d'une équipe à faire basculer le rapport de force en sa faveur (gain de terrain important) et les formes de jeu mises en œuvre pour y parvenir (couloir(s) utilisé(s)). Il permet aussi d'identifier les progrès effectués par la comparaison dans le temps du niveau de performance atteint (début/fin de leçon, début/fin de cycle).
Cet aménagement est proposé pendant le temps d'apprentissage et lors de la validation de la compétence attendue de niveau 2.
Aménagement du score et place de la performance
Nous venons de voir que le score est établi au regard de l'aménagement matériel. Il résulte de deux éléments en interdépendance : le gain de terrain enregistré par l'équipe et l'exploitation des espaces favorables sur toute la largeur du terrain. Plus l'équipe est performante dans ces deux secteurs simultanément, plus son score augmente.
En outre, dans le but d'augmenter le niveau de mobilisation des élèves tout au long de la rencontre, il semble opportun de multiplier les possibilités de scorer. Ainsi, il sera proposé de gagner des points supplémentaires :
- en gagnant « nettement » la rencontre. La recherche du gain de l'opposition, « A.D.N. » des activités de la CP4, est donc mise en avant. Il ne s'agit pas de marquer beaucoup de points, mais d'en marquer plus ou beaucoup plus que son adversaire.
- en accédant à des bonus offensifs et défensifs, caractéristiques de l'activité sociale de référence.
Cet aménagement du score vise la persistance de la mobilisation des joueurs du début à la fin de la rencontre, et donc l'expression du plus haut niveau de compétence du moment.
A l'instar de notre proposition pour le niveau 1 de compétence, nous avons choisi de distinguer « score brut » et « score relatif ».
Rappelons que la somme des points obtenus (points gagnés lors de la rencontre + points de victoire ou de défaite + bonus offensif et défensif) constitue le « score brut », répondant au fond culturel de l'activité (classement des équipes, comparaison aux autres, comparaison dans le temps de l'évolution des score obtenus). Cette performance absolue garantit une pratique authentique du Rugby, mais ne semble toutefois pas suffisamment révélatrice du niveau de compétence atteint par les élèves.
Afin de considérer aussi la performance comme l'actualisation de la compétence à un moment donné, il apparait nécessaire de traiter ce « score brut » pour juger du degré de compétence démontré par l'équipe et chacun des joueurs qui la compose. Le « score brut » sera ainsi pondéré (à l'aide d'un coefficient multiplicateur inférieur, égal ou supérieur à 1), en fonction du niveau d'opposition fourni par l'équipe adverse, pour aboutir à un « score relatif ». Cette performance relative peut alors prétendre à être significative des moyens mis en œuvre au cours de la rencontre, et donc de l'atteinte de la compétence attendue par les programmes.
Il est facile de comprendre que le total de points obtenus face à une défense très peu active et très perméable ne peut pas être comparé à un score obtenu face à une équipe capable d'exercer une grande pression défensive. Le « score relatif » prétend alors à pouvoir comparer réellement les performances produites. Un seuil de performance relative marquera l'atteinte de la compétence attendue.
Par exemple, le score d'une équipe se voyant opposer une défense faible (désorganisation rapide du rideau défensif, pression faible exercée sur le PB) se verra affecté d'un coefficient multiplicateur inférieur à 1. Pour atteindre le « seuil de compétence », il faudra donc cumuler un très grand nombre de points, démontrant la capacité à mettre en œuvre de façon quasiment systématique l'alternance entre le jeu groupé et le jeu déployé pour déborder la défense.
A l'inverse, le score d'une équipe opposée à une défense performante (reconstitution du rideau défensif sur plusieurs temps de jeu, intervention sur le PB pour récupérer la balle) bénéficiera d'un coefficient multiplicateur supérieur à 1.
Nous utiliserons donc le « score relatif » dans le protocole de validation de la compétence attendue de niveau 1 et dans le protocole de notation.
Notons que la pondération du « score brut » permettant de définir le « score relatif » s'effectuera au regard d'un « score défensif ». Ce dernier renseigne une équipe sur son efficacité défensive (et donc sur le niveau de compétence défensive exprimé). Il est calculé à l'aide d'un outil d'observation : le « pressiomètre » (voir le protocole du test de compétence).
Modalités de groupement
Les élèves abordent généralement le niveau 2 de compétence en Rugby en classe de quatrième et de troisième. Ceux-ci ont résolu en grande partie, au cours des apprentissages de niveau 1, le problème affectif lié aux contacts (avec l'autre, avec le sol) et ont construit une motricité de combattant permettant de jouer en toute sécurité pour soi et pour les autres. Ils présentent, lors de la phase pubertaire qu'ils traversent, de fortes disparités de développement et de maturation. Leurs ressources (anatomiques, physiologiques, psychologiques...) sont ainsi très inégales.
Compte tenu de ces éléments et du niveau de compétence à construire, nous proposons un système de groupement des élèves en trois équipes de huit joueurs. Le nombre de joueurs par équipe permet de créer l'alternance des formes de jeu, tout en garantissant la possibilité d'une quantité de pratique élevée pour tous. Les équipes présentent un niveau le plus homogène possible entre elles afin d'assurer l'égalité des chances (face aux apprentissages et face à l'enjeu de la rencontre). Elles sont donc hétérogènes en leur sein. Cette hétérogénéité dans l'équipe vise à valoriser les ressources de chacun, au regard de la construction d'un jeu de Rugby à double valence (le combat et l'évitement). La gestion collective des forces et des faiblesses (dans sa propre équipe principalement, dans l'équipe adverse secondairement) et la coordination des individualités tient effectivement une part prépondérante dans la construction de la compétence de niveau 2.
Ce mode de groupement veut alors garantir des conditions d'affrontement équitables pour que chacun puisse prendre part activement (au regard ses propres ressources) à une production collective de jeu, la participation de tous au sein de l'équipe étant un facteur déterminant dans l'expression de la compétence attendue (alternance jeu groupé/ jeu déployé, constitution d'un rideau défensif sur toute la largeur du terrain).
Notons aussi que les groupes ainsi définis ne sont pas figés, mais évoluent tout au long du cycle. Un système de « transferts » peut être animé dans le souci d'équilibrer en permanence le niveau des trois équipes, et ainsi offrir une équité permanente.
Enfin, remarquons que les groupes n'interagissent pas sur le seul mode de la confrontation. L'engagement des élèves dans les rôles sociaux (arbitrage, observation) permettent aussi une relation d'entraide.
Aménagement du règlement
L'aménagement du règlement s'inscrit pour une part dans la continuité des propositions faites pour le niveau 1. Il répond pour une autre part aux spécificités liées au niveau 2 de compétence attendue, qui conduit à l'appropriation des règles complémentaires du jeu (réglementation des regroupements). Ces aménagements favorisent une pratique sécuritaire et propice aux apprentissages visés. Ils se déclinent en plusieurs points :
- toutes les remises en jeu (y compris les coups d'envoi et de renvoi) s'effectuent en « gratte poule » avec les défenseurs à 5 mètres.
- les actions de ceinturage pour pousser debout, seul ou à plusieurs, ou pour amener au sol sont arbitrés très strictement (ceinture au dessus de la taille du début à la fin de la poussée debout, ceinture en dessous de la taille maintenue jusqu'au sol pour les placages).
- un système d'exclusion temporaire (30 secondes) renforce les « interdits » inhérents à des actions possédant un caractère dangereux ou à des comportements irrespectueux. Il pénalise le joueur exclu et son équipe (qui se retrouve en infériorité numérique). Ce système permet notamment de protéger affectivement les élèves dans leur nouveau rôle d'arbitre : toute contestation des décisions arbitrales conduit à une exclusion temporaire.
- accorder 5 secondes à l'équipe à l'initiative d'un ballon porté qui ne progresse plus pour sortir la balle, et ainsi assurer la continuité du jeu. Le ballon reviendra à l'équipe adverse si l'équipe n'est pas en mesure de libérer la balle.
- indiquer en permanence l'emplacement des lignes de hors-jeu (sur les engagements, sur les regroupements). Ce rôle est dévolu aux deux arbitres « au large », qui donnent ainsi un repère spatial aux joueurs. Ce positionnement et d'éventuels rappels à l'ordre verbaux contribuent à la structuration et à la poursuite du jeu (cela évite de hacher le jeu par des fautes de positionnement à répétition).
- interdiction formelle d'écrouler un maul (contrairement à la pratique sociale de référence où il est possible de le faire sous certaines conditions).
- pas de poussée défensive autorisée après la création d'un ruck. Il suffit qu'un soutien offensif vienne enjamber le joueur plaqué pour former un ruck et interdire à la défense de contester le ballon par la poussée. La sur-réglementation de cette phase de jeu semble primordiale à ce niveau de pratique pour plusieurs raisons. Tout d'abord, elle assure une plus grande sécurité aux protagonistes du ruck (notamment le plaqueur et le plaqué). Ensuite, elle permet une meilleure lisibilité des actions pour les coarbitres, facilitant ainsi leur tâche. Enfin, cette absence momentanée de lutte offre à l'élève en position de relayeur un grand confort décisionnel. Avec la création d'un ruck, l'équipe qui attaque crée les conditions de la conservation du ballon et de la continuité du jeu nécessaires à l'alternance des formes de jeu. Une pression défensive accrue (et donc un droit de contester la balle par un jeu de poussée) sera offert dans les niveaux de compétence supérieurs.
- arrêter le temps après un essai marqué pour assurer le replacement des deux équipes au milieu du terrain et permettre une régulation du projet de jeu collectif. Le chronomètre repart avec l'engagement.